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En finir avec la neutralité

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À rebours d’une information « neutre » et « objective », certains journalistes font de leur engagement le moteur de leur travail. Une situation qui crée le débat au sein de la profession. Parfois décriés par leur pairs, eux assument une prise de parti. 

Combien de journalistes en France peuvent ajouter à leur CV une fiche S, une interdiction de manifestation ou un procès sans en avoir été prévenu à l’avance ? Assurément bien peu. Ils s’appellent Gaspard Glanz, Nnoman Cadoret, Alexis Kraland ou Gaspard d’Allens. Ils sont journalistes, travaillent en freelance, ont leur propre média ou collaborent régulièrement avec des références de la presse alternative.

D’aucuns les cantonnent à une étiquette de militants, à l’heure où la neutralité et l’« objectivité » sont souvent érigées en règle d’or de la profession. En témoignent les ressources considérables mobilisées par Le Monde, Libération ou l’AFP et leurs cellules de chasse aux fake news à grands coups de vérité factuelle. Les journalistes militants, les journalistes au passé militant ou tout simplement les journalistes engagés désertent et conspuent de plus en plus les médias dits traditionnels. Jean Jaurès, figure désormais consensuelle sur une grosse partie de l’échiquier politique, prônait la complémentarité d’une activité militante et de la recherche de la vérité.

Récemment, certains journalistes issus de grands médias se sont retrouvés dans l’« autre camp » à la tête d’organes de presses résolument engagés. Outre Edwy Plenel, le plus emblématique, Hervé Kempf est devenu, après quinze ans passés au Monde, rédacteur en chef du site Reporterre, dédié à l’écologie et qui promeut une information « libre et indépendante ». Aude Lancelin a remplacé la sulfureuse Sophia Chikirou à la tête du Média, brocardé « Mélenchon TV », au mois de juillet dernier après son licenciement de L’Obs en mai 2016. Et si finalement, le journalisme militant, ou le journalisme engagé, n’étaient pas des formes de « journalisme autrement »?

C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. La grande cause socialiste et prolétarienne n’a besoin ni du mensonge, ni du demi-mensonge, ni des informations tendancieuses, ni des nouvelles forcées ou tronquées, ni des procédés obliques ou calomnieux.

Jean Jaurès, éditorial du premier numéro de L’Humanité, 18 avril 1904.

De la compatibilité entre journalisme et militantisme

« La meilleure école pour devenir journaliste politique ? Avoir un passé militant ». La phrase est signée Abel Mestre, journaliste politique au Monde, militant à l’UNEF dans sa jeunesse. Dans un café au nom évocateur, « Les échos du Monde », à deux pas de l’imposant bâtiment du boulevard Auguste Blanqui qui abrite la rédaction, il raconte ses années d’engagement.

« Tu es obligé de réagir à l’actualité, tu crées des journaux et ça te procure des clés de compréhension pour comprendre le positionnement de ton interlocuteur.  Ça m’a donné une culture politique particulière qui fait qu’aujourd’hui, notamment à gauche, j’ai les codes et je suis respecté parce que j’ai lu tel livre ou que j’ai telle référence… Au Monde, je suis peut-être la dernière génération de journaliste qui a été militant. Après moi, il n’y en a plus.»

Au Monde, peut-être. Car ailleurs, journalisme et militantisme semblent faire bon ménage. Depuis 2014 et les mouvements en opposition à la loi Travail, une petite troupe de photojournalistes et vidéastes indépendants, proches des cercles d’extrême et d’ultra gauche, inondent les réseaux sociaux d’images de manifestations que nous sommes désormais habitués à voir : des gaz lacrymogènes sur des manifestants encagoulés, des pierres sur des voitures de police, des fumigènes, des masques à gaz, les célèbres « Black Blocs », des CRS, des boucliers…  Ces images sont souvent celles de Nnoman Cadoret, de Gaspard Glanz ou d’Alexis Kraland. Au plus près de l’action, parfois à l’intérieur même du « cortège de tête ».

Alors, journalistes ou militants ? Pour Abel Mestre, l’un n’empêche pas l’autre : « Ils sont militants, ils ne s’en cachent pas. Cela ne me choque pas, ils bossent bien, font de belles images. On peut les considérer comme des journalistes. L’histoire de la garde à vue de Kraland ou l’interdiction de manifestation à l’encontre de Nnoman Cadoret, je trouve ça aussi scandaleux que si ça m’était arrivé à moi, journaliste au Monde. Je ne sais pas s’ils ont leur carte de presse mais en tout cas ils font un travail de journaliste. La double casquette journaliste et engagé ou militant me paraît tout à fait légitime dans ce cas. Après, si en tant que lecteur tu veux être sûr d’avoir un point de vue équilibré, tu vas aussi voir ailleurs ».

Photo Léo Marron

La particularité de ces journalistes engagés, c’est qu’ils pigent parfois pour des mastodontes du paysage médiatique, comme France TV ou Paris Match. Ce type de recours temporaire à des reporters immergés au cœur des milieux militants est symptomatique de la difficulté des médias traditionnels à y trouver des interlocuteurs. « La plupart des journalistes politiques couvrent une très large partie de l’échiquier, sans être spécialisés dans une mouvance en particulier. Quand tu débarques de temps en temps dans une manifestation sans avoir les codes de ces milieux-là, c’est très inconfortable.»

Au Monde, Abel Mestre s’occupe de la gauche et l’extrême-gauche, de la tendance “hamoniste” aux antifascistes. « Je couvre ces mouvements de façon exclusive. Donc ils me reconnaissent de par ma présence régulière dans les manifs. Ils s’en fichent que je sois étiqueté Le Monde car ils savent que je ne balance pas les noms, que je connais les coutumes de ces milieux-là. »

Les limites de la double casquette

Cette nouvelle presse émergente d’extrême gauche ne se limite pas à ces photographes ou vidéastes. Le pureplayer d’information quotidienne Lundi.am, qui publie également une revue papier semestrielle, structure plusieurs écoles de pensée autour d’articles au long format, fouillés, où l’on retrouve le langage fourni, parfois alambiqué, caractéristique des cercles d’extrême-gauche. « Ce site a été créé par le comité invisible de Tarnac, ils ont réussi à s’ouvrir à d’autres horizons, et aujourd’hui c’est un média qui est très suivi (+ de 10 000 abonnés Twitter, NDLR). Moi-même, je m’informe en lisant Le Monde, Mediapart, et Lundi.am».

S’il ne conteste absolument pas la compatibilité entre journalisme et militantisme, Abel Mestre émet néanmoins quelques doutes par rapport à ce double statut, en prenant l’exemple de Mediapart. «Le problème avec Edwy Plenel, c’est qu’il est devenu un acteur politique, il s’engage pleinement dans des débats qui structurent la gauche. Que les journalistes aient des convictions, c’est bien. Mais il ne faut pas que ce soient des certitudes. Le milieu militant fonctionne comme une grande caisse de résonance et si on est trop immergé dedans, qu’on a trop d’empathie, on peut se perdre. Là est la limite de l’exercice, de ne plus avoir le recul nécessaire pour évaluer la véracité d’une information. La vraie limite dans le traitement c’est quand ton activité militante aveugle ton activité de journaliste.»

Ceux qui s’intéressent à ces mouvements militants connaissent forcément son visage…ou du moins son travail. Nnoman Cadoret, photographe indépendant, engagé, est de tous les rassemblements. Il “check” les militants, discute, prend son temps. Une proximité qui lui donne un accès privilégié aux cortèges de tête et autres manifestations sauvages, où les appareils photos sont souvent interdits.

Dur dur d’être journaliste

«Gaspard Glanz par exemple est plus journaliste que 90% des journalistes français. Il revient aux fondamentaux du métier, va sur le terrain, rencontre des gens qui sont difficiles d’accès ». Installée sur le plateau télé du Média, sollicitée de toute part par ses collègues, Aude Lancelin est catégorique. Pour elle, journalisme et engagement ne s’excluent pas, « à partir du moment où on a de l’intégrité par rapport à la vérité factuelle ». Elle ne se définit pas d’extrême-gauche, mais de la gauche « authentique ». Depuis le mois de juillet dernier, elle est à la tête du Media et de ses déboires que l’on connaît.

Cependant, pour rien au monde elle ne retournerait dans un des gros titres de la presse traditionnelle, à propos desquels elle ne mâche pas ses mots : « J’ai eu une expérience tellement radicale, un voyage au bout des saletés de la presse sous domination des oligarques que c’était inimaginable de faire le voyage retour ». Avant son licenciement de l‘Obs, un journal «sans colonne vertébrale politique et intellectuelle », elle a longtemps expérimenté la difficulté à faire entendre une voix discordante au sein d’une rédaction. « Vous ne pèserez jamais sur la ligne éditoriale, c’est un fantasme. Si vous êtes différents vous êtes plutôt un alibi pour la rédaction qui dit, « vous voyez on a un ou deux fous qui disent des trucs extrêmes !»

«Réinjecter du sens
dans ce que l’on fait»

Au Média, il y a bien entendu peu de monde pour s’offusquer de ses positions résolument de gauche. Cette grande aventure n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. Outre les dissensions internes et la situation financière critique du Média, celui-ci est brocardé «France Insoumise», et donc organe militant plutôt qu’organe de presse.  «On a crée le Média Presse en plus du Média TV pour s’assurer que la commission de la carte de presse nous l’accorde ». Une grande partie de ses abonnés sont des «Insoumis», mais Aude Lancelin revendique la conquête d’une «liberté éditoriale véritable» depuis le départ de Sophia Chikirou.

Voix posée, ton calme mais ferme, elle parle librement de la confusion qui existait dès les débuts du Média. «Certains députés Insoumis se sentaient ici comme sur leur territoire. On me disait « quoi mais ça fait deux mois que vous m’avez pas invité?! » So what ?» Si elle reconnaît un consensus sur « des valeurs de gauche » au sein de la rédaction, elle revendique également sa singularité. Notamment en réponse à ceux qui lui reprocheraient de faire la même chose que Mediapart. 

«Mediapart ce n’est pas cette gauche-là, on représente un courant de pensée qui n’est présent dans aucun autre média. La manière de faire de l’investigation n’est pas la même, nous ferons plus des enquêtes sociales, eux se concentrent plus sur les scandales politico-financiers. On n’a pas la même vision de l’Europe, ou sur l’immigration ». Et si le journalisme engagé doit faire attention à ne pas prêcher qu’auprès des déjà convaincus, c’est une manière de « réinjecter du sens dans ce que l’on fait.»

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« Un jeu d’associés / rivaux entre journalistes et militants »

Interview: Benjamin Ferron, maître de conférence en Sciences de l’Information et de la Communication

Est-ce qu’on assiste à l’émergence d’une nouvelle forme de journalisme militant ?

L’idée d’un journalisme militant doit être replacée dans un contexte sociologique plus large. Le premier élément à avoir en tête, c’est que cette idée apparaît comme une contradiction dans le sens où lorsque les univers du journalisme et du militantisme politique émergent, ils ne vont cesser de s’autonomiser et de se différencier l’un par rapport à l’autre. Un journaliste ne peut pas être militant dans l’exercice de son métier. Journalisme et militantisme sont deux univers qui s’excluent réciproquement. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de relations mutuelles.

Les militants peuvent être des sources d’informations ou des sujets à traiter. Les journalistes peuvent eux être des intermédiaires pour rendre visibles leurs discours revendicatifs. De ce point de vue, les sciences sociales ont étudié ce qu’on appelle le jeu « d’associés / rivaux » entre journaliste et militant. Il existait d’ailleurs une discipline journalistique, très en vogue dans les années 1950/1960, le « journalisme social ». Des journalistes souvent issus du milieu ouvrier qui couvraient les actions menées par les ouvriers, les syndicats ou le Parti communiste.

Ce que l’on observe depuis les années 1980, c’est une autonomisation toujours plus grande du champ journalistique autour de ces enjeux professionnels. Mais il existe aussi une dépendance des médias vis-à-vis du champ du pouvoir et des logiques économiques. Et ce via l’intensification de la concurrence et le changement de mode de recrutement des journalistes, qui sont de moins en moins issus des milieux populaires.

La position de journaliste et de militant est donc tout à fait incompatible ?

On peut souligner l’exclusion réciproque des logiques à l’œuvre dans chacun des deux univers. Mais il existe des interdépendances. On observe ainsi une catégorie d’agent qui peuvent occuper des positions simultanément et durablement à la fois dans l’univers du journalisme et du militantisme. Par exemple les journalistes spécialistes des mouvements sociaux, qui peuvent en tant que citoyens se sentir proche des mouvements qu’ils racontent. Ils peuvent aussi être militant en dehors de leurs heures de travail.

À l’inverse, on trouve aussi des militants qui peuvent se faire journaliste d’une cause militante particulière, être des militants de l’information, et fournir du contenu quasi-professionnel. Pour autant, les statuts du journalisme excluent un tas d’activités jugées incompatibles avec l’activité journalistique comme la communication. De ce point de vue, les militants de l’information peuvent tout à fait être qualifiés de communicants de leur mouvement social.

Peut-on constater ces dernières années un renouvellement de la pratique journalistique issue des mouvements militants ?

Cela a toujours plus ou moins existé. Dans les années 1970, on assiste à l’émergence du journalisme alternatif issu à la fois de l’univers du militantisme et du journalisme professionnel. Cette forme de production a plusieurs caractéristiques qui en fait un espace particulièrement flou. Il existe une presse underground, parallèle, alternative, qu’on retrouve récemment, notamment en marge des contestations contre la loi Travail. Mais ce phénomène est plus ancien. À ce titre, la première plateforme qui revendique cette double appartenance au champ journalistique et au champ militant est Indymedia.

C’est une concentration de médias indépendants qui se crée à l’occasion des manifestations contre l’OMC à Seattle, en 1999. Ces journalistes militants mettent en place une organisation visant à produire de l’information sur le mouvement social en cour du point de vue des militants. Ils anticipent le traitement défavorable de leurs revendications par les médias dominants. Ils organisent alors leur propre production d’information. Donc ce qu’on a pu constater récemment, avec le mouvement Nuit debout, les manifestations contre la loi Travail s’observait déjà il y a 20 ans.

Autre exemple : la Coordination Permanente des Médias Libres, créée en 1999 et qui regroupe aujourd’hui 74 médias. Ce groupe a évolué vers un pôle plus proche du champ journalistique et de ses enjeux. Lorsque cette coordination s’est reformée, (une deuxième fois en 2014, à l’occasion des rencontres des médias libres et du journalisme de résistance), les producteurs d’information étaient tous issus d’une nouvelle génération de personnes qui ont fait des formations de haut niveau, pour partie dans le journalisme et qui viennent de médias traditionnels. Ils investissent cet univers des médias libres comme espace de revendication militante. La trajectoire d’Hervé Kempf est à ce titre emblématique.

Pourquoi est-ce que la trajectoire d’Hervé Kempf est emblématique d’un nouvelle forme de journaliste ?

Il ne se considère pas comme militant. Alors qu’il pourrait l’être par d’autres de ses pairs. Son travail est celui d’un journaliste situé dans des rapports de forces politiques. La différence est peut-être que ce positionnement est plus ouvertement affiché. D’autres titres d’informations revendiquent davantage la production journalistique au sens le plus traditionnel et orthodoxe. On peut pourtant émettre des réserves quant à la neutralité de ces titres en matière de positionnement idéologique.

Peut-on observer un changement dans les méthodes de production de l’information ?

Oui, ce qui est nouveau dans cette forme de journalisme, c’est l’apparition d’espaces numériques dédiés (blogs, plateformes puis réseaux sociaux), à partir des années 2000. Ces espaces peuvent aujourd’hui être considérés comme des auto-médias, c’est-à-dire des médias produits dans le but de documenter les luttes sociales. Ils peuvent alors servir de sources d’informations pour les médias dominants.

Qu’est-ce qui peut expliquer ce type de phénomène ?

Le journalisme dans son ensemble est aujourd’hui plus dépendant des logiques économiques. De sorte que la profession a subi des transformations morphologiques. La formation est axée sur la vitesse d’exécution, la conformité aux exigences des entreprises de presse, l’attractivité des contenus. S’ajoute à cela une précarisation du métier. Autant de facteurs qui favorisent l’émergence de nouveaux titres qui revendiquent la production d’un journalisme de qualité qui s’affranchit des logiques des médias traditionnels.

Pourtant ils tentent tous d’en prendre l’aspect. Dans les codes stylistiques, la mise en forme, le rubricage, l’editing, la règle des 5W, la pyramide inversée… Tous respectent les codes du journalisme traditionnel à la différence près que les sources choisies vont être issues d’organisations militantes. On assiste donc à une inversion des proportions. Par exemple, BFM inviterait trois experts libéraux et un économiste de gauche, tandis que sur Reporterre on donnerait la parole à trois militants écologistes de différentes sensibilités et à un climato-sceptique.

Nombre de ces journalistes n’en ont pas le statut, est-ce un frein à leur activité ?

En France, ce n’est pas une obligation d’exercer le métier de journaliste avec une carte de presse. C’est par définition une profession ouverte, aux frontières floues. Mais il ne suffit pas de se déclarer journaliste pour être considéré comme tel. La légitimité vient de la reconnaissance du travail journalistique par les pairs. Il n’y a donc pas de définition, à priori, de ce qu’est être journaliste ou pas. À partir du moment où une organisation est reconnue comme source d’information fiable par d’autres organes de presse, selon quels critères peut-on les exclure de l’univers journalistique ?

Être journaliste engagé et indépendant n’est-ce pas un risque de brouiller les pistes pour la reconnaissance de son travail journalistique ?

Il faut distinguer une nuance entre journaliste militant et engagé. Être engagé ne contredit pas les normes professionnelles, y compris dominantes. On s’expose toutefois à l’accusation de ne pas être neutre etc… Sachant que la normalité est toujours défendue par les dominants dans le but de reproduire cette normalité. Pour les pigistes, il peut y avoir une position encore plus floue du fait de l’indépendance vis à vis de l’employeur.

Cet essor du journalisme engagé/militant n’est-il pas le résultat d’une incompréhension des milieux militants par les médias traditionnels ?

Évidemment. Les militants ont souvent le sentiment de frustration. Soit parce qu’ils n’ont pas accès aux médias à grande diffusion. Ou alors, lorsqu’ils y ont accès, c’est souvent à charge contre eux avec un choix dans les angles tendant à les pointer du doigt. D’où une tendance de ces milieux militants à refuser l’accès aux grands médias ou à produire leur propre réseau de communication alternatif pour pouvoir regagner une autonomie médiatique et avoir le contrôle sur leur message.

Cela s’explique aussi par le recrutement social des journalistes. On constate une homogénéisation par le haut du recrutement des journalistes de sorte qu’une distance sociale les séparent d’un tas d’univers. Je citerais en exemple une journaliste qui parle du problème que l’on aura à se rendre au ski pour illustrer le réchauffement climatique. C’est le même problème avec la couverture des banlieues.

Les médias traditionnels reprennent parfois le travail de journalistes indépendants et engagés ?

L’univers des médias libres et des journalistes professionnels fonctionnent ensemble. La précarisation du statut de journaliste et l’appel aux pigistes est aussi un moyen de produire l’information à moindre coût. Cela permet de couvrir des thématiques et des territoires qu’une rédaction ne peut pas se permettre de couvrir sur le plan économique grâce à ces personnes que certains qualifient de « native journalist ». Ils sont  issus du groupe social ou  de la communauté dont ils couvrent les activités. C’est un mélange entre le fixeur et le journaliste.
Ces questions sont très intéressantes pour observer l’arbitraire du monde social, la division entre le monde politique et militant et le monde journalistique. Ces zones de flous entre ces multiples univers tendent à montrer que les frontières ne sont absolument pas étanches.

Pierre BILLAUD et Léo MARRON